Sifflet tubulaire en forme de saint Bruno sur son âne

Autre dénomination (terme vernaculaire)
Querfurter Wiesenesel

DMH1938.76.12

Allemagne > Saxe-Anhalt > Nebra-sur-Unstrut
fin du xixe siècle - début du xxe siècle ([sans date])

Terre engobée et vernissée
H. 20,5 ; L. 5,8 ; Pr. 18,6 cm. ; P. 758,2 g.

Classification Sachs - Hornbostel : 421.221.311


Historique

Acquisition : Don Museum für Deutsche Volkskunde de Berlin
Ancienne référence : DMH1938.76
Ancienne appartenance : musée de l'Homme


Description

L'objet représente une figurine de cavalier sur un socle rectangulaire plat. Selon la tradition, la figurine représente saint Bruno coiffé d'un large chapeau rond sur son âne. À droite de la croupe, un sifflet tubulaire à la fenêtre ouverte vers le haut se dresse vers l'arrière tandis qu'à gauche, un autre tube imite un sifflet avec son embouchure et une encoche formant une fausse fenêtre de sifflet. Le sifflet de droite est obturé et ne fonctionne plus. Le sifflet factice communique avec le corps creux de la monture et du saint qui pouvait être rempli de farine ou de cendre renvoyée à la figure du siffleur par un trou circulaire dans le dos du cavalier.

Le cavalier comme sa monture sont modelés sommairement. Deux boudins d'argile joignant la base du buste à l'encolure de la monture évoquent ainsi les jambes du cavalier. Un autre boudin d'argile incisé de cinq traits est placé en travers du dos du cheval à l'arrière du cavalier. Un trait incisé forme la bouche de l'âne et quelques traits incisés à l'avant du buste du cavalier évoquent une veste.

L'objet est modelé en terre rouge couverte d'un engobe blanc vernissé vert émeraude, avec des manques anciens repeints en vert et d'autres manques non peints. Le dessous du socle est laissé brut.

Inscriptions

Inscription manuscrite 73-16 et inscription imprimée 35 B / 002 sous le socle, correspondant sans doute à d'anciens inventaires.

Commentaire

Par sa grande taille, sa rareté et son sifflet double inséré à l'arrière, ce sifflet est particulier à plus d'un titre, mais c'est surtout la tradition qu'il perpétue qui en fait un témoignage exceptionnel.

Rares sont les sifflets semblables qui ont été conservés, même si leur production a continué jusqu'à la seconde guerre mondiale. Les potiers de Nebra-sur-Unstruct en Saxe-Anhalt et de Bürgel en Thuringe vendaient leurs produits à la foire de Querfurt, localité voisine du Land de Saxe-Anhalt à la frontière avec la Thuringe. Il est difficile de savoir duquel de ces centres provient l'exemplaire du MuCEM. Généralement vernissés en vert, leur taille varie de 14 à 20 cm et ils possèdent habituellement, comme l'exemplaire des collections du MuCEM, un sifflet accolé à un sifflet factice1. Un sifflet semblable, mais de dimensions plus réduites et daté de la première moitié du xixe siècle, est conservé au musée des Instruments de musique de l'université de Leipzig. Cependant, ces sifflets traditionnels évoluant peu, il est impossible de dater précisément l'exemplaire du MuCEM en l'absence de source sur son acquisition initiale par le musée de Berlin qui en a fait don au musée de l'Homme.

Un texte écrit en vieil allemand sur la légende de saint Bruno nous renseigne sur leur origine. Au xe siècle, saint Bruno de Querfurt (Saxe, vers 974 - Ruthénie, 1009) entendit parler du sort des prêtres chrétiens en Prusse et décida de s'y rendre pour convertir les païens. Il partit le lundi de Pâques sur son âne, accompagné lors de son départ par ses frères Burkhardt et Gebhart. En arrivant sur le pré communal de Querfurt où ceux-ci devaient prendre congé, l'âne de Bruno stoppa soudainement et rien ne put l'inciter à bouger. Les frères en conclurent que ce voyage n'obéissait pas à la volonté divine et persuadèrent Bruno de rentrer au château de Querfurt. Repensant dans la nuit à ce qui était arrivé, ce dernier pensa que cela avait été une tentation de Satan et repartit donc en Prusse où il fut capturé par les païens et mis à mort.

En sa mémoire, ses frères bâtirent une chapelle sur le pré communal, là où l'âne s'était arrêté, et appelèrent cette chapelle Eselstatt (die Stätte des Esels, « le lieu de l'âne »). Le pré fut appelé Eselswiese (« le pré de l'âne »). Chaque année à Pâques, un pèlerinage célébra le saint et une foire se développa en marge de ce pèlerinage. Comme cadeau pour les enfants, il était de tradition d'y vendre de petits paniers remplis de vaisselle en poterie miniature ainsi que de petits sifflets-cavaliers glaçurés en vert. Les cavaliers rappellent le départ de Saint Bruno et le panier, ses provisions de voyage.

Ces sifflets étaient tellement emblématiques de la ville de Querfurt qu'en 1916, cette ville édita un Notgeld (« monnaie d'urgence ») de 50 pfennigs à son effigie.

Depuis longtemps, le sifflet de Querfurt a été représenté dans les ouvrages sur l'art populaire européen.

Bien que les textes ne le disent pas, il est possible que les deux sifflets de ces cavaliers aient une dimension symbolique et représentent les deux voies qui s'offraient à saint Bruno. Le sifflet à la droite qui fonctionne symbolisant la voie divine (le souffle) tandis que le sifflet factice à sa gauche qui renvoie à son utilisateur de la suie au visage pourrait symboliser la voie de Satan. Ces sifflets factices sont appelés en Allemagne Rußteufel, « diables à suie », Rußpfeife, « sifflets à suie », ou Mehlpfeife, « sifflets à farine ».

1. Reinhard Peesch, Volkskunst, Berlin, Akademie-Verlag, 1978.


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