Pologne

La collection de sifflets polonais du MuCEM est importante. Vingt-six sifflets sont entrés dans les collections du musée de l’Homme pendant plus d’un siècle (de 1892 à 1996). On peut les répartir en trois lots.

Le noyau le plus ancien a longtemps été attribué à la Russie car les objets donnés en 1892 par la société des Arts et Traditions populaires au musée du Trocadéro (collection DMH1892.76) étaient attribués à ce pays. Mais les recherches effectuées dans le cadre de ce catalogue ont permis de leur redonner leur origine exacte. Collectés en 1890 par Jan Karlowicz, ils ont été achetés à Varsovie et sans doute fabriqués dans cette ville. Ils sont particulièrement intéressants car les sifflets polonais conservés de la fin du xixe siècle sont rares.

Dix-sept objets ont été acquis à l’occasion de missions effectuées par Mme Monique de Fontanès en Pologne pour le musée de l’Homme, trois ont été acquis par son intermédiaire par le musée d’Ethnographie polonais de Młociny (collection DMH1961.99), et les quinze autres ont été acquis par le musée Kultury i Sztuki de Varsovie (collection DMH1963.52).

C’est la production récente qui est la moins bien représentée avec un seul sifflet, DMH1996.5.1, donné par Geneviève Dournon, ancienne responsable du département d'ethnomusicologie du musée de l'Homme de 1967 à 1993. Simplement attribué à l'Europe de l'Est lors de son entrée dans les collections, il est, de notre point de vue, polonais.

Histoire

Sifflet globulaire, Bolesławiec, 1re moitié du XXe siècle. Coll. particulière. © Pierre Catanès

Ill. 1 : Sifflet globulaire, Bolesławiec,
1re moitié du xxe siècle.
Coll. particulière. © Pierre Catanès

Le sol polonais a livré un sifflet en céramique de l’âge du bronze (5e période vers 800-650 av. J.-C.) provenant d’une tombe à incinération de Majdan (Tarnobrzeg dans les Basses-Carpates). Un autre sifflet daté de l’âge du fer ancien (vers 500-400 av. J.-C.) a été trouvé dans une enceinte fortifiée à Komorowo dans la province de Poznań1. Cet objet en forme de corne n’est pas sans rappeler les sifflets fabriqués à Bolesławiec (en allemand Bunzlau) avant la Seconde Guerre mondiale (ill. 1). La forme de ces derniers est proche de celle des barrolets en poterie qui remplacent les cornes pour réaliser les décors d’engobe. Ces coucous sont présents dans une vaste zone allant de l’Alsace à la Hongrie mais on ne les retrouve pas dans la production actuelle polonaise.

La production de la fin du xixe siècle est peu connue car la Seconde Guerre mondiale a entraîné la destruction des collections des principaux musées polonais (Varsovie, Cracovie...). Cependant un effort important a depuis permis de reconstituer en partie ces collections.

La production de sifflets, comme toute la poterie traditionnelle polonaise, a connu un déclin au milieu du xxe siècle. Elle a été relancée à partir des années 1950 grâce aux achats, notamment, des magasins d’État CEPELIA, dédiés à la mise en valeur du folklore polonais.

Aujourd’hui, de nombreux potiers fabriquent des sifflets qui perpétuent souvent les modèles anciens. Cependant la production est déclinante et beaucoup des familles qui réalisaient ces objets ont arrêté ce métier. Les collectionneurs alimentent la demande actuelle et conduisent ainsi les fabricants à imaginer de nouveaux modèles.

Les lieux de production

La production de sifflets a existé dans toutes les régions de Pologne et tout particulièrement dans le Sud-Est où elle est toujours très active. Mais toutes les régions ont eu des centres potiers où ont été fabriqués des sifflets.

Autrefois, la production était réalisée pendant l’hiver, à côté de la production principale, par les potiers et leurs apprentis. Aujourd’hui, de plus en plus de femmes produisent ces sifflets, et cela toute l’année, grâce aux fours électriques.

Les formes

La production polonaise se répartit en deux grands types :

- des sifflets moulés et peints, aux formes très variées (cavaliers, oiseaux, animaux) destinés principalement aux habitants des villes. Ainsi, le musée de Cracovie en conserve plusieurs aux formes fantaisistes, comme un sifflet représentant une cigogne coiffée d’un chapeau et portant un bébé dans son bec ou encore un sifflet en forme de cheval à bascule. Ils sont antérieurs aux années 19202. Les modèles moulés les plus classiques sont cependant ceux de militaires ou de pompiers, à cheval ou chevauchant un coq. La collection du MuCEM comporte un nombre très élevé de ce type traditionnel en Pologne ;

- des sifflets modelés, en terre vernissée ou laissée brute, que l’on rencontre dans les principaux centres potiers traditionnels. Les oiseaux, poules et cavaliers en constituent les principaux modèles.

Les sifflets à eau en forme de vase ou de récipient très simples sont rares. Ils sont le plus souvent en forme d’oiseau.

La vente : pèlerinages et fêtes religieuses

Comme dans beaucoup de pays européens, la vente des sifflets en terre cuite est souvent associée à des fêtes religieuses. Ainsi, en 1704, Andrzej Komoniecki relate qu’à la messe de Noël à Żywiec en Silésie, les garçons soufflent dans des sifflets pour imiter le chant des oiseaux. Il ne précise pas si ces sifflets sont en terre mais il s’agit sans doute des traditionnels gliniane slowiki, rossignols en terre cuite, ou des kukulki, coucous globulaires à un ou deux trous de jeu3.

Lors de sa mission pour le musée de l’Homme en Pologne en 1961, Mme de Fontanès rapporte que les sifflets étaient vendus aux enfants surtout lors de la fête du mardi de Pâques4 (fête d’Emmaüs) ou du troisième jour après Pâques (rekawka) qui avait lieu à Podgórze aux environs de Cracovie. On les vendait aussi sur les petits éventaires à la sortie des églises à l’occasion des fêtes religieuses.

Le lundi de Pâques5, les habitants de Cracovie se rendent pour Emmaüs à une kermesse près de l’église du Saint-Sauveur dans le quartier Zwierzyniec. Cette kermesse remonte au Moyen Âge et avait autrefois un caractère principalement spirituel. Le premier témoignage sur cette fête date du xvie siècle et elle y était déjà jugée ancienne. À partir du xixe siècle, elle a commencé à se transformer en fête populaire où se vendaient des jouets et des sucreries. On y organisait des concours de tir avec des balles en chiffon et des jeux d’escalade d’un poteau enduit de graisse ou de talc. À Cracovie, ce jour-là, la tradition permettait également d’asperger ou d’arroser impunément les passants avec l’eau de la Vistule toute proche. Les bacheliers avaient aussi coutume de pourchasser avec des baguettes de saule les jeunes filles qui se rendaient à la kermesse en criant : « Courez vers Emmaüs ! ». On constate actuellement le retour des jouets traditionnels de bois et des coqs et sifflets en terre cuite, concurrencés récemment par les jouets de plastique.

Au vu des activités décrites, on retrouve toutes les caractéristiques des fêtes marquant le retour du printemps, fêtes sans doute anciennes même si elles ne sont décrites qu’à partir du xixe siècle. La vente des sifflets à cette occasion s’inscrit dans les nombreux témoignages en Europe de leur utilisation lors des fêtes liées à Pâques.

L’autre fête indiquée par Mme de Fontanès est Rękawka, kermesse qui se déroule le mardi après Pâques dans le faubourg de Podgórze autour du tertre de Krakus et de l’église Saint-Benoît. Selon les linguistes, l’étymologie de « Rękawka » est double. Elle est tout d’abord à rapprocher du tchèque rakew, « cercueil », le tertre ayant été probablement un lieu de culte voué aux ancêtres. Par ailleurs, une légende veut que les sujets de Krakus, souverain polonais légendaire fondateur de Cracovie, aient amassé la terre de son tertre funéraire en la portant dans leur mains et dans leurs manches (rękaw = « manche »). Cette légende expliquerait ainsi l’autre étymologie possible du mot.

Avant l’époque chrétienne, ce tertre était probablement un lieu où, au printemps, les Slaves célébraient les jours des Morts. Cette coutume a été christianisée et on y célébrait des cérémonies consacrées aux morts. On y offrait même un repas d’enterrement jusqu’en 1836. Ces cérémonies se sont peu à peu transformées en kermesses populaires. Pendant les festivités, on allumait de grands feux, on organisait des concours d’escrime et on jetait aux pauvres de la monnaie et de la nourriture.

Cette tradition a été maintenue même quand la fête s’est déplacée aux environs de l’église Saint-Benoît, les Autrichiens ayant réquisitionné le terrain pour y bâtir un fort militaire. La kermesse a continué aux alentours de l’église avec des divertissements populaires (escalade de poteaux, course de sacs).

La description de cette fête rappelle beaucoup celle de la Svistoplyaska à Dymkovo, près de Kirov, en Russie. Cette fête se tient le quatrième samedi après Pâques et elle est également associée aux cultes des morts.

Emmaüs ou Rękawka, l’utilisation de sifflets dans le cadre de ces fêtes était sans doute répandue dans d’autres lieux de Pologne.

Mazovie

La voïvodie de Mazovie s’étend autour de Varsovie dans le centre-est de la Pologne. Le centre actuel de fabrication de sifflets est Iłża dont proviennent trois sifflets de la collection. Cependant, ce centre potier situé en limite sud de la voïvodie était plus tourné vers la ville de Cracovie que vers Varsovie.

À Varsovie même ou à Piaseczno, ville voisine, étaient aussi fabriqués des sifflets destinés au marché de la ville : coqs peints comme à Cracovie en rouge avec des détails dorés ou argentés, mais aussi de nombreuses figurines dont témoignent plusieurs sifflets de la collection du MuCEM de la fin du xixe siècle.

Des sifflets ont également été produits dans cette voïvodie au xxe siècle à Mogielnica où existaient plusieurs ateliers qui produisaient des jouets, ou encore à Brok, Plock et Głowaczów.

Iłża

Iłża est un centre céramique traditionnel et important situé à l’extrême sud de la voïvodie de Mazovie. La ville était célèbre pour sa poterie depuis le xvie siècle, et ses potiers vendaient leur production dans toute la Pologne jusqu’en Lituanie et Biélorussie. La ville appartenait depuis le xiie siècle à l’évêque de Cracovie et la production était destinée à cette ville. Elle déclina fortement au milieu du xviie siècle jusqu’au milieu du xviiie où elle connut un nouvel essor avant de diminuer de nouveau au xixe siècle face à la concurrence de la vaisselle métallique.

C’est après la Seconde Guerre mondiale que ce centre potier connut une renaissance sous l’impulsion de l’État et, en particulier, grâce aux commandes des magasins de la fondation CEPELIA créée en 1951 pour protéger, développer et promouvoir le folklore et l’art polonais.

La coopérative Chałupnik d’Iłża fut une des premières à voir le jour en Pologne. Elle a regroupé plusieurs potiers : Stanisław Pastuszkiewicz (1890-1962), Wincenty Kitowski, Stanisław Luba, Konstanty Ciepielewski, Jadwiga Kosiarska.

En 1953, la coopérative fut réorganisée et intégra les potiers de Rędocin. Ce centre potier est depuis 1999 dans une région administrative distincte (voïvodie de Sainte-Croix), mais auparavant il appartenait à la voïvodie de Kielce qui regroupait également Iłża. La coopérative regroupa ainsi huit centres potiers des différents districts de Kielce. Les fiches des objets du MuCEM achetés à la coopérative d’Iłża par Mme de Fontanès précisent ainsi certaines provenances comme Rędocin ou Denkow.

Sept des sifflets du MuCEM ont été acquis en 1961 et 1963 à cette coopérative mais seuls trois proviennent avec certitude d’Iłża. Trois autres viennent de Rędocin. L’attribution de l’un d’eux (DMH1961.99.65) n’ayant pu être précisée, il a été choisi de conserver la mention « Iłża », mais il est probable qu’il provient d’un autre centre rattaché à la coopérative.

La production de figurines de ce centre est célèbre mais les sifflets y sont rares. On connaît cependant ceux de Stanisław Pastuszkiewicz, modelés en forme d’oiseau, de coq ou de cavalier dont témoignent d’ailleurs les sifflets de la collection du MuCEM.

Varsovie

Sifflets exposés dans le salon de musique du musée de l'Homme. © Pierre Catanès

Ill. 2 : Sifflets exposés dans le salon de musique du musée de l'Homme. © Pierre Catanès

Il est probable que les sifflets de la collection DMH1892.76 collectés avant 1890 par Jean Karlowicz à Varsovie ont été fabriqués dans cette ville ou aux environs. En effet, les potiers de Varsovie ont réalisé des sifflets représentant des habitants de Cracovie en costume, des hussards, des nobles, des pompiers, des villageois, des saints et bien sûr des animaux. Ces sifflets étaient moulés, peints et vernissés6. Cette description correspond parfaitement à la typologie des sifflets de la collection du MuCEM achetés à Varsovie.

Une partie de cette collection était exposée dans le salon de musique du musée de l’Homme créé en 1985 par Geneviève Dournon (ill. 2) et démonté en 2000.

Cette production soignée est typique d’une fabrication destinée aux enfants de la ville.

Petite-Pologne

La voïvodie de Petite-Pologne entoure Cracovie, ancienne capitale polonaise. Les sifflets de cette voïvodie sont principalement réalisés à Cracovie et destinés aux marchés et kermesses de la ville, surtout lors des fêtes du lundi et mardi de Pâques.

Comme à Częstochowa, célèbre lieu de pèlerinage polonais où Mme de Fontanès a acheté plusieurs sifflets pour le musée de l’Homme en 1963, la production était aussi réalisée pendant l’entre-deux-guerres autour des lieux de pèlerinage du sanctuaire de Kalwaria Zebrzydowska et de la basilique de Wadowice.

On pourrait encore citer de nombreux centres potiers dans cette région où la production de sifflets a été importante et a continué jusqu’à la fin du xxe siècle7.

Cracovie

Marchande de sifflets sur la place du marché à Cracovie en 2006. © E. Jüngling

Ill. 3 : Marchande de sifflets sur la place du marché à Cracovie en 2006. © E. Jüngling

Les deux sifflets du MuCEM achetés en 1961 à Cracovie (DMH1961.99) sont typiques de la production de cette ville. D’après les renseignements fournis par Mme de Fontanès qui les a acquis en mission pour le compte du musée de l’Homme, ils ont été fabriqués par Stanislas Górkiewicz, potier à Plaszow (aujourd’hui dans les faubourgs de Cracovie).

Ces sifflets étaient fabriqués en grande quantité par plusieurs potiers au début du xxe siècle, mais seule la famille Romańczyk resta célèbre après la Seconde Guerre mondiale, pour ses sifflets en forme de cheval, cavalier, oiseau mais également de bien d’autres animaux qu’elle vendait sur les marchés de Cracovie.

Les deux sifflets du MuCEM reprennent des formes très classiques des sifflets de cette ville. L’oiseau moulé peint en rouge DMH1961.99.87 est un modèle de sifflet à eau produit sans changement majeur jusqu’aujourd’hui et en très grand nombre. Le petit coq, ou kogutek, peint en rouge DMH1961.99.86, également modèle traditionnel de Cracovie, est un des symboles de la ville.

Le lundi de Pâques, on transportait un coq sur un chariot. Il devait chanter bruyamment, et à cet effet, le grain dont il était préalablement nourri était trempé dans l’alcool. Avec le temps, l’oiseau vivant a été remplacé par un coq moulé d’argile, traditionnellement peint en rouge et décoré avec des épis, des graminées, des fleurs et des rubans colorés.

Le coq peut aussi rappeler la confrérie du Coq. Au xiiie siècle, celle-ci, consacrée aux tireurs, était chargée de former les bourgeois de la cité, responsables de la défense de l’enceinte. L’élection et l’intronisation du roi de la confrérie a toujours lieu aujourd’hui. Les candidats à ce poste sont depuis de longues années membres de la confrérie et de réputation sans tache. À l’issue d’un tir (aujourd’hui aux armes à feu) sur une cible de bois en forme de coq, la couronne revient à celui qui fait sauter le dernier morceau de l’effigie de l’oiseau. Son intronisation a lieu en juin. Le roi sortant porte un coq d’argent accroché à son cou sur une chaîne, copie de celui dont le roi Sigismond Auguste fit don au xvie siècle à la confrérie.

Le coq, dans de nombreuses cultures, est considéré comme un symbole du soleil mais aussi de vitalité et de fertilité, qui assure la santé et le bien-être. Il est très souvent représenté parmi les sifflets en terre cuite dans toute l’Europe et dans beaucoup d’autres centres polonais. Il ne faut pas forcement chercher l’origine des sifflets en forme de coq dans l’histoire de Cracovie mais plutôt dans cette représentation symbolique, car si les sifflets de la ville sont aujourd’hui des souvenirs pour touristes toujours vendus sur les marchés (ill. 3), ils sont liés à des fêtes traditionnelles très anciennes qui se tenaient au printemps et qui célébraient la renaissance de la nature8.

Sainte-Croix

La voïvodie de Sainte-Croix, située autour de Kielce, est au sud de celle de Mazovie où se trouve Iłża, ville où Mme de Fontanès a acheté plusieurs sifflets en 1963 pour le musée de l’Homme. Parmi ces sifflets, trois peuvent être attribués à Rędocin, centre potier de la voïvodie de Sainte-Croix mais dont la production était vendue à la coopérative d’Iłża. Ces deux centres potiers appartenaient, jusqu’au redécoupage administratif de 1998, à la même région de Kielce.

Rędocin n’y est pas le seul centre potier. De très nombreux sifflets principalement en forme de pigeon et de coq ont été fabriqués ailleurs.

À Chałupki, à 20 km de Kielce, des sifflets ont été réalisés par plusieurs potiers, dont Jan Armański puis Stanislaw Armański qui, depuis les années 1980, ont fait des sifflets en forme d’oiseau ou de cheval.

À Sudół, Wladyslaw Kitowski est un potier traditionnel très connu qui réalise aussi de nombreux sifflets, dont des hommes barbus couverts d’un chapeau où la partie sifflante est insérée à l’arrière9 (ill. 4), mais aussi des coqs (ill. 5).

Sifflet anthropomorphe, Władysław Kitowski, Sudół, années 1990. Coll. particulière. © Pierre Catanès

Ill. 4 : Sifflet anthropomorphe, Władysław Kitowski, Sudół, années 1990. Coll. particulière. © Pierre Catanès

Sifflet en forme de coq, Władysław Kitowski, Sudół, années 1990. Coll. particulière. © Pierre Catanès

Ill. 5 : Sifflet en forme de coq, Władysław Kitowski, Sudół, années 1990. Coll. particulière. © Pierre Catanès

À Odrowąż, Stanislaw Sewerynski faisait également de petits oiseaux modelés émaillés en vert et brun. Citons aussi Henryka et Zygmunt Krawczykowie, établis à Ostrowiec, qui ont réalisé dans les années 1960 des sifflets très proches de ceux de la collection du MuCEM.

La fabrication de sifflets dans la région de Kielce était ainsi très active et demeure vivante aujourd’hui.

Rędocin

Dans ce centre, plusieurs potiers au xxe siècle ont fait des plats et pichets traditionnels mais aussi de nombreuses figurines religieuses ou profanes ainsi que des coqs de grande taille : Stefan Kwapisz, Andrzej Rokita et Władysław Misiowiec. On réalisait aussi des sifflets en forme de pigeon.

Actuellement, sont encore actifs Henryk Rokita (né en 1930) le fils d’Andrzej, qui a commencé la poterie à douze ans, et Jan Kwapisz qui produisent encore des sifflets en forme de pigeon. Ces sifflets sont généralement décorés de vert, marron ou bleu.

Silésie

La voïvodie de Silésie est une des voïvodies polonaises de l’ancienne région de Silésie qui s’étendait dans le sud-ouest de la Pologne mais aussi en République tchèque et en Allemagne. La production de sifflets était présente à Częstochowa, à Zywiec et à Bielsko-Biała.

Częstochowa

Les huit sifflets de la collection du MuCEM ont été acquis à Częstochowa en 1963. D’après les fiches rédigées par Mme de Fontanès qui les a acquis lors d’une mission pour le musée de l’Homme, sept d’entre eux ont été fabriqués par Apolinary Rademski, artisan de cette ville. Cette attribution est confirmée par les tampons imprimés sous les sifflets. Le dossier de la collection indique que de nombreux artisans spécialistes vendaient ces sifflets sur le terre-plein entourant le sanctuaire de Częstochowa. Leur prix de vente était faible (36 zlotys) et c’étaient des jouets prisés par les enfants des pèlerins.

Les modèles de militaires à cheval ou sur une poule perpétuent sous une forme plus enfantine les modèles antérieurs classiques de cavaliers du xixe siècle comme on peut en admirer au musée d’Ethnographie de Cracovie.

Basses-Carpates

Située dans le sud-est de la Pologne, la voïvodie des Basses-Carpates est frontalière avec l’Ukraine.

Le centre potier de Medynia Glogowska est le plus connu de Silésie pour la production de sifflets en terre cuite mais celle-ci se faisait également dans de nombreux autres centres : Baranów Sandomierski, Siedleszczan, Przemyśl, Jarosław, etc.

Beaucoup sont situés à la frontière avec l’Ukraine, aussi certaines des productions sont-elles proches de celles des centres potiers ukrainiens, comme Stara-Sol, où étaient réalisés de nombreux sifflets anthropomorphes.

Medynia Glogowska

Sifflet en forme de cavalier, Wladislawa Prucnal, années 1970. Coll. particulière. © Pierre Catanès

Ill. 6 : Sifflet en forme de cavalier, Wladislawa Prucnal, années 1970.
Coll. particulière. © Pierre Catanès

Les sifflets de Medynia Glogowska, centre important, furent les plus collectés par les musées polonais dans les années 1970-1980. Ils ont été modelés par Wladislawa Prucnal.

Le sifflet du MuCEM est proche de ceux de cette artisane mais bien d’autres potiers en ont produit ou en produisent encore dans cette localité. Citons Emilia Chmiel dont Wladislawa Prucnal continua la production après sa mort ou Władysław Kępa. Les modèles reprennent les formes traditionnelles des sifflets polonais (coqs, oiseaux, chevaux et cavaliers) mais avec un caractère naïf qui leur confère un aspect très archaïque (ill. 6).

Władysław Kępa a également réalisé dans les années 1940-1950 des sifflets en forme de femme portant sous le bras un oiseau-sifflet10, rappelant certains modèles ukrainiens.

1 Tadeusz Malinowski, « Les instruments de la préhistoire polonaise », La Musique dans l’Antiquité. Les dossiers d’archéologie, no 142, novembre 1989, p. 62-67.

2 Teresa Lewińska, Polskie ludowe instrumenty muzycze. Polish folk musical instruments. Catalogue of collection of State Ethnographical Museum in Warsaw, Varsovie, Panstowe museum etnograficzne, 2001, p. 146-147 : notices 570, 571 ; p. 306 : ill. 570, 571.

3 Alojzy Kopoczek, Ludowe narzędzia muzyczne z ceramiki na ziemiach polskich, Katowice, Ed. Uniwersytet Sląski, 1989, p. 44.

4 Il est probable qu’il y a une confusion, car la fête d’Emmaüs a lieu le lundi de Pâques et est une grande tradition de la région de Cracovie, alors que Rękawka a lieu le mardi de Pâques.

5 Les renseignements sur les fêtes d’Emmaüs et de Rękawka à Cracovie sont issus des études du Krakov Festival Office de la ville de Cracovie sur le site http://www.krakow.travel/.

6 Bogdan Jasinski, „Gwizdki ceramiczne w Polsce”, Twórczość Ludowa. R., XIX Nr 1-2 (57), 2004, p. 6.

7 Ibid., p. 4-5.

8 La vente des sifflets lors des kermesses d’Emmaüs et de Rękawka de Cracovie est présentée dans l’article d’introduction sur la Pologne.

9 Ibid., p. 4-5.

10 Teresa Lewińska, op. cit., p. 105 : notices 315, 316, 317 ; p. 109 : notice 340 ; p. 307, 309 et 310 : illustrations.